aux sombres héros de l'amer (oskar)

Exténué par une nuit de travail, Oskar poussa la porte d'entrée de l'appartement deux pièces qu'il partageait à cinq. Il poussa un large soupir en constatant que sa mère était endormie à même le sol, dans son vomi, à ronfler gracieusement entourée de mégôts mais également de bouteilles de bière vides. Il passa une main dans ses cheveux, dépité. Il était cinq heures du matin et dans deux heures, il faudrait qu'il se lève pour assurer que tout file bien pour que ses sœurs aillent en cours. Du bout du pied, il fit rouler sa mère et commença à ramasser les cigarettes fumées et les bouteilles consommées, les jetant dans un sac poubelle. Il sentait la sueur et avait mal partout, pourtant, il le faisait. Alors que les ronflements de sa mère s'apaisaient, il entendit des grognements primitifs. Posant son sac poubelle dans un coin, Oskar se dirigea vers le cellier, la seule pièce dont la porte était assez large pour passer le fauteuil d'Olympe. C'était également sa chambre, par la même occasion. Il pénétra dans la pièce, s'éclairant avec son téléphone et souffla à sa sœur de se taire, d'un doigt sur sa bouche. Olympe bavait copieusement, en panique. Encore un mauvais cauchemar. Il s'assit sur le rebord du lit médicalisé qui lui avait coûté un bras et prit la main de sa petite sœur. « Ecoute ma beauté, il faut te rendormir, d'accord ? » chuchota-t-il doucement en caressant les cheveux bouclés de sa sœur. « Je termine d'arranger le bordel de la tarée et j'arrive. Quand je reviens, j'veux que tu dormes »

La quadragénaire l'observait de haut en bas, sans aucune gêne. Elle le déshabillait littéralement du regard, un sourire sur ses lèvres peintes. Elle passa une main dans ses cheveux et observa le manager d'Oskar. « C'est lui que je veux », dit-elle en désignant le jeune homme du doigt. Oskar restait interdit mais il n'en pensait pas moins. Elle le considérait totalement comme un objet, un bout de viande. Au fond, c'était peut-être ce qu'il était ? Il n'en savait plus rien. Son corps appartenait aux femmes qui payaient pour le voir danser ou pour qu'il les accompagne à des soirées. Il ne lui appartenait plus depuis deux ans maintenant. « Comment tu t'appelles, chéri ? », s'enquit-elle alors que le manager s'éclipsait, laissant Oskar et la cliente pour la soirée. « Oz », répondit-il machinalement. Elle l'attira contre elle avec sa cravate et il put sentir l'odeur de son parfum fleuri qui manqua de lui donner la nausée.

C'était une soirée caritative importante et c'est pour cela qu'elle avait demandé ses services. Fraîchement divorcée, elle ne voulait pas passer pour une femme qui se lamentait (ce qui était le cas) et souhaitait donc s'afficher auprès d'un jeune homme, ce qui était à la mode. « Vingt ans, on ne pouvait pas faire plus jeune ». Oz grimaça. C'était sérieusement malsain mais elle payait gracieusement et sur une durée plutôt conséquente.

Oskar poussa les portes de la bibliothèque municipale, les bras chargés d'albums pour enfants. Malgré ses neufs ans, Olympe continuait à en lire ou du moins à regarder les images, elle adorait cela. Il les déposa sur le comptoir de prêt et s'en alla dans les rayonnages à la recherche d'autres albums pour sa sœur. « Je peux vous aider ? », demanda une voix douce. Oskar se retourna. Se tenait devant lui une jolie blonde, naturelle et souriante. Il opina du chef. Il ne savait pas tellement quoi choisir si bien qu'il décrivit les goûts de sa sœur. La jeune femme, stagiaire à la bibliothèque, le conseilla. Elle fit de même, semaines après semaines. Au bout de quatre, toujours hypnotisé par ses belles orbes, Oskar finit par lui demander son prénom. « Juliet ». C'était un joli prénom. « Oskar », répondit-il alors qu'elle lui souriait, en retour. « C'est mignon, comme prénom », s'esclaffa la jeune bibliothécaire.