(♡) never know why it’s coming down, down, down.

Les affaires de Tania traînaient encore sur le sol de sa chambre. Un mois qu'elle était partie, un mois qu'elle l'avait sauvagement abandonné lors de sa demande en mariage. Harry ne s'en était toujours pas remis. Personne n'avait eu l'autorisation d'aller dans sa chambre depuis qu'elle était partie, comme si ses affaires encore par terre, étaient une sorte de sanctuaire. Maintes et maintes fois, il avait pensé à les jeter par la fenêtre, les brûler dans sa cheminée ou les déchirer comme elle l'avait fait avec son cœur. Mais elles portaient encore le parfum si envoûtant de la jeune femme, que ce soit sur les quelques vêtements traînant par terre depuis un mois ou sur les deux trois bijoux qu'il lui avait offert. Chaque jour, Harry s'obligeait à ne pas respirer le parfum de Tania mais chaque jour, c'était un peu plus dur. Aujourd'hui, il l'avait décidé, aujourd'hui devait être le jour où tout devait disparaître. Sortant de la chambre, il s'affala sur son canapé, alluma la télé et zappa sur chaque chaîne de sport possible. Quel bonheur de ne pas travailler en un samedi pluvieux. Harry avait toujours adoré rester chez lui pendant les journées de mauvais temps, regarder la télé jusqu'à n'en plus pouvoir, cuisiner et jouer de la guitare. Aujourd'hui n'allait pas faire exception. A sa grande surprise, la porte d'entrée claqua. Le jeune homme se leva, curieux de savoir qui pouvait s'introduire chez lui un samedi après-midi sans prendre la peine de frapper au moins à la porte. Son cœur rata un bond quand il découvrit le visage de l'inconnu. Tania. Son regard se figea sur son visage. Un mois qu'il ne l'avait pas vu et il avait l'impression que c'était des années. Les traits de la jeune femme se durcirent lorsqu'elle le vit arriver. - What are you doing here ?

Lorsqu’elle se décida enfin à bouger, le temps s’était gâté. La pluie tombait à grosses goûtes, glissant le long de la baie-vitrée du salon, brisant le silence régnant en maître sur la demeure. Tania avait passé sa journée à peser le pour et le contre, estimant d’abord qu’elle commettait une erreur, puis que ce ne pouvait être pire que dans ses trop nombreux cauchemars. Avant de pouvoir changer une nouvelle fois d’avis, elle enfila un long manteau et attrapa le trousseau de clés d’un geste décidé. Plus question de faire demi-tour, maintenant. Il était temps qu’elle prenne la situation en main et récupérer ses affaires lui semblait être un bon pas en avant dans sa nouvelle existence.
Le chemin se passa sans embuche, si ce n’est qu’elle fit deux fois le tour du quartier avant de finalement arrêter le moteur de la voiture. Une fois encore, son courage semblait avoir disparu, emporté par l’une de ces bourrasques de vent qui soufflaient violemment sur Allendale. Néanmoins, abandonner n’était pas son genre – sauf en cas d’engagement sentimental, et elle s’extirpa du véhicule, la tête haute, les épaules droites, prête à lui faire face. Elle retint son souffle en tournant la clé, ouvrant la porte sur cet environnement qui avait été pendant si longtemps le sien. L’odeur familière vint la saluer, comme pour lui souhaiter un bon retour à la maison. Si seulement cela pouvait être le cas, pensa-t-elle en faisant un pas en avant.
Bien sûr, il était là. Elle avait vainement espérer découvrir la maison vide, ce qui lui aurait permis d’échapper une nouvelle fois à la confrontation. Ses lèvres se pincèrent à cette pensée ; hors de question d’être faible, surtout pas aujourd’hui. - What are you doing here ? Il ne lui paraissait pas plus différent qu’avant ; une tenue décontractée pour traîner devant la télé, la barbe de quelques jours, flattant étrangement ses traits devenus durs et froids. Pendant un moment, elle ne sut prononcer le moindre mot, peu habituée à l’entendre parler avec ce ton agressif. Puis sa carapace reprit le dessus ; une expression qui se voulait neutre s’installa sur son visage, comme pour lui cacher ce sentiment de culpabilité qu’elle ressentait en le voyant. – I have to get a few things. Just pretend I’m not here. Plus facile à dire qu’à faire, mais elle se contenta de lui envoyer un regard appuyé, puis de disparaître rapidement à l’étage. La chambre lui envoya au visage une montagne de souvenir, de parfums agréables et familiers. Mais ce n’était certainement pas le moment de se remémorer le temps passé. Elle commença à attraper des bouts de tissus ici et là, qu’elle ne put s’empêcher de plier correctement. Un reste de ses manies du contrôle, probablement.

Voir débarquer Tania à son appartement était la dernière chose à laquelle Harry s'attendait. Certes, la jeune femme avait habité pendant un long moment chez lui et on pouvait dire que c'était leur appartement à tous les deux, mais quand elle était partie, elle avait quitté l'appartement, tout comme elle l'avait quitté lui. Il la fixa longuement, essayant de retrouver dans ses traits ceux de la femme qu'il avait tant aimé. Tania lui paressait étrangère, pourtant elle n'avait pas changé. Seul son sourire avait disparu. – I have to get a few things. Just pretend I’m not here. Un sourire ironique, presque méchant, se dessina sur ses lèvres. Il laissa même échapper un petit rire. Elle pensait qu'il était sorti, elle comptait donc récupérer ses affaires et partir à nouveau comme une voleuse sans laisser une seule trace. Peut-être c'était l'idéaliser que de penser qu'elle viendrait s'expliquer un jour ou l'autre. Elle s'échappa vers la chambre et Harry dut presse le pas pour la suivre. – Go ahead, take all your fucking stuffs and run away, again. It's not like you didn't know how to do that after all. Il faisait référence à sa demande en mariage, qui avait abouti au plus gros échec de sa vie. La scène lui revint en tête dans les moindres détails. Il se rappelait de l'atmosphère romantique, du gâteau, de la robe magnifique qu'elle portait, de ses cheveux bruns dansant sur ses épaules. Son ton était sec, froid. Jamais il n'aurait pensé avoir le courage de lui parler de la sorte, même après tout ce qu'elle lui avait fait subir. Se retrouver en face d'elle, de façon si hasardeuse, lui procurait une force insoupçonnée. Maintenant qu'elle était là, il ne devait pas la laisser fuir, c'était hors de question. Harry ferma la porte derrière eux et resta devant, tenant fermement la poignée. – I'm sorry, you're gonna be disappointed, but you're definitely stayring right here. Il la regarda pendant quelques secondes ranger ses affaires de façon méthodique, presque trop maniaque, comme elle l'avait toujours fait. Si il n'était pas si énervé contre elle, Harry aurait trouvé ça mignon. - So, are you going to explain to me why you left me that way or are you too weak to do that ?

Ses mains agissaient par automatisme. Attraper, plier, lisser, poser. Un cycle continu, que rien ni personne ne pouvait arrêter. Lorsque Tania se retrouvait dans cet état, le mieux était de la laisser tranquille, d’oublier les sermons et autres réprimandes qui, dans ces situations, ne pouvaient que présager un dérèglement de son mécanisme si bien rodé. Et pourtant, Harry s’évertuait à la bousculer pour la faire parler. Elle l’entendait bouger, juste derrière. Il lui aurait même été possible d’enfermer toute la nervosité émanant de lui dans un bocal. La sienne aussi, par la même occasion. – Go ahead, take all your fucking stuffs and run away, again. It's not like you didn't know how to do that after all. Tania se stoppa net, comme un robot dépourvu de son alimentation. Ses mots lui firent l’effet d’une gifle, plantée sur ses joues déjà roses. Des flashs de souvenirs lui revinrent en mémoire. Des images qu’elle aurait par-dessus tout aimé oublier. La lumière tamisée, les notes de piano arrivant jusqu’à leur table, ses sourires sincères, ses mots doux, son air amoureux, épanoui. Elle reprit soudainement son automatisme, bien que ses gestes devenaient plus durs, plus brouillons. Les vêtements s’entassaient, pliés à la va-vite et elle pensa honteusement au repassage qui l’attendait, une fois de retour à la maison. – I'm sorry, you're gonna be disappointed, but you're definitely stayring right here. Tania entendit la porte claquer derrière eux et un sursaut lui fit lâcher le tissu qu’elle tenait, comme si elle se sentait apeurée d’être enfermée seule avec lui. Elle n’aurait jamais eu ce genre de pensées auparavant, mais tout avait changé. Ses yeux se posèrent brièvement sur lui et elle le regretta. Ses traits durs lui donnaient l’impression qu’il allait exploser d’une minute à l’autre. - So, are you going to explain to me why you left me that way or are you too weak to do that? Elle s’était trompée. Ce n’était pas Harry qui allait exploser, mais plutôt elle. Une grimace déforma son visage et sans qu’elle ne puisse le retenir, un cri s’échappa de ses lèvres peintes de rouge. – I’m not weak! Elle ne se souvenait pas de leur dernière dispute. Il leur arrivait de se chamailler, d’éprouver un peu de colère envers l’autre, mais aucune de leur dispute passée n’avait l’envergure de celle-ci. Jamais elle n’avait crié aussi fort, jamais elle ne s’était sentie aussi folle de rage. – I couldn’t do it because I’m affraid of all of this. Ses yeux se posèrent sur le lit, sur les vêtements encore rangés dans le dressing puis sur lui. Derrière son masque de colère, elle revoyait l’homme plein de vie dont elle était tombée éperdument amoureuse. Une envie brûlante de serrer son corps contre le sien s’installa en elle, mais elle n’en fit rien. – I just can’t do it. I don’t believe in fairy tales and happy endings. Tania se rappela des soirs où elle entendait sa mère pleurer, après la signature du divorce. Elle se revoyait, malheureusement adolescence, passer d’une chambre à coucher à une autre, spectatrice de la haine entre ses parents. Plus jamais ça.